"Crise de la faim" au Soudan : Le chef d'une ONG fustige la communauté internationale 



Libé
Dimanche 24 Novembre 2024


Le Soudan, dévasté par la guerre, est victime de "la plus grande crise humanitaire de la planète", a affirmé samedi à l'AFP Jan Egeland, directeur du Norwegian Refugee Council (NRC), fustigeant l'indifférence de la communauté internationale.


Depuis avril 2023, une guerre oppose l'armée soudanaise aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Elle a fait des dizaines de milliers de morts et contraint plus de 11 millions de personnes à fuir. Selon l'ONU, 26 millions de personnes souffrent de faim aiguë.

"C'est la plus grande crise humanitaire de la planète, la plus grande crise de la faim, la plus grande crise du déplacement (...) et le monde s'en désintéresse", déplore M. Egeland dans un entretien depuis le Tchad voisin, après une visite au Soudan cette semaine. "J'ai rencontré des femmes qui survivent à peine, mangeant un repas de feuilles bouillies par jour", témoigne-t-il.


Son ONG estime qu'environ 1,5 million de personnes sont "au bord de la famine". "Alors que nous luttons pour suivre le rythme, nos ressources actuelles ne font que retarder les morts au lieu de les prévenir."
Il y a deux décennies, des accusations de génocide avaient attiré l'attention du monde sur la vaste région du Darfour (ouest), où le gouvernement de Khartoum avait mobilisé des milices tribales arabes contre des minorités non arabes soupçonnées de soutenir une rébellion. Les FSR sont les héritières de ces milices.
"Il est incroyable qu'on porte aujourd'hui beaucoup moins d'attention à la crise du Soudan qu'il y a 20 ans pour le Darfour, alors que cette crise était bien moins grave", regrette le chef du NRC.


Selon lui, les guerres à Gaza et au Liban, ainsi celle entre la Russie et l'Ukraine, ont éclipsé le conflit soudanais.
M. Egeland note un changement dans l'"humeur internationale", loin des campagnes médiatisées par des célébrités comme l'acteur américain George Clooney au Darfour dans les années 2000.
Il déplore "un regard davantage tourné vers l'intérieur", avec des dirigeants occidentaux contraints de "mettre leur nation en premier, moi d'abord, et non l'humanité d'abord".


Selon lui, ces dirigeants "ayant une vision à court terme" devront faire face à des vagues de réfugiés et de migrants.
Au Tchad, M. Egeland a rencontré des jeunes ayant survécu au nettoyage ethnique au Darfour et voulant entreprendre la périlleuse traversée de la Méditerranée vers l'Europe.
Au Soudan, une personne sur cinq a été déplacée par cette guerre ou des conflits antérieurs, selon l'ONU.

La plupart des déplacés se trouvent au Darfour, où, selon M. Egeland, la situation est "horrible et ne cesse d'empirer".
El-Fasher, capitale de l'Etat du Nord-Darfour, est assiégée par les FSR depuis des mois, paralysant les opérations d'aide et plongeant le camp de déplacés de Zamzam dans la famine.
Même les zones épargnées "sont à bout". Dans l'est du pays contrôlé par l'armée, les camps, écoles et autres bâtiments publics sont remplis de déplacés livrés à eux-mêmes.
M. Egeland s'est rendu en périphérie de Port-Soudan, la ville de la mer Rouge où sont établis le gouvernement soutenu par l'armée --les FSR contrôlant la capitale Khartoum-- ainsi que les agences onusiennes.


Là, il a dit avoir visité une école abritant plus de 3.700 personnes déplacées où les mères n'étaient pas en mesure de nourrir leurs enfants.
Selon l'ONU, les deux camps utilisent la faim comme arme de guerre. Les autorités bloquent régulièrement l'accès des travailleurs humanitaires en multipliant les obstacles bureaucratiques, tandis que les paramilitaires les ont menacés ou attaqués. "Chaque retard, chaque camion bloqué, chaque autorisation retardée est une condamnation à mort pour les familles qui ne peuvent attendre un jour de plus pour obtenir de la nourriture, de l'eau et un abri".


Malgré les obstacles, "il est possible d'atteindre tous les coins du Soudan", souligne encore le chef du NRC, appelant à une augmentation des financements et à plus de "courage" de la part des ONG. "Les parties prenantes des conflits se spécialisent dans l'art de nous faire peur et nous, dans celui de céder à la peur", lance-t-il, exhortant l'ONU et d'autres agences à "être plus fermes et exiger l'accès".


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